Comment éviter les coulées de boue ou les inondations par ruissellement ?

« Les coulées de boue et les inondations par ruissellement sont de plus en plus fréquentes ». C’est une phrase que l’on entend de plus en plus au JT télévisé ou autour d’une bière au coin du bar. Mais est-ce vraiment le cas ?

Contrairement aux inondations de 2021 provoquées par des cours d’eau en crue, c’est surtout le ruissellement qui était à l’origine de la montée des eaux un peu partout en Wallonie. Nous venons d’enchaîner plusieurs « inondations » de ce type sur le pays. Un ruissellement qui est parfois d’origine agricole avec des coulées de boues venues des champs mais pas seulement.

Pour éviter le problème sur le long terme, il existe différents systèmes naturels comme la plantation de haies. Pourtant, en fonction des régions, on en voit encore très peu.

Suis-moi. Je t’explique, avec mes mots, pourquoi nous faisons face à ce type d’inondation mais aussi quelles sont les solutions pour diminuer le risque à moyen et long terme.

C’est parti !

Une coulée de boue, c’est quoi ?

Commençons par la base. Lorsque l’on parle de coulée de boue, on parle de quoi ?

On parle d’un ruissellement d’eau mélangé à une quantité plus ou moins importante de terre. C’est donc une érosion du sol qui est provoquée par des précipitations intenses à un endroit donné et par le ruissellement de cette eau sur le sol. La coulée de boue peut être plus ou moins importante et dépend principalement du type de sol. En effet, plus celui-ci est meuble et non végétalisé, plus la coulée de boue sera chargée en terre.

Tu m’as perdu ? Pas de tracas, je te résume cela avec un exemple concret :

  • Si tu as une culture de pommes de terre, le sol a été labouré, travaillé et planté à nu. L’eau va donc facilement s’emparer de la terre et ruissele en surface.
  • Si tu as une praire permanente, le strate herbacée maintien le sol. L’eau s’écoule alors simplement sur le sol.

Capich’ ?

L’érosion hydrique dépend donc de plusieurs facteurs comme le type de sol, sa topographie, la culture en place et bien évidemment le type de précipitation.

C’est bien beau tout ça Cyril. Mais tout ce que tu décris ici, c’est un processus quand même assez naturel. Comment cela se fait-il que les coulées de boue et inondations par ruissellement semblent s’intensifier ?

En réalité, nos actions humaines au quotidien influencent et amplifient le risque d’érosion. Avec les années, nous avons cumulés des petites actions qui font aujourd’hui boule de neige. Voyons cela plus en détails.

Pourquoi des coulées de boues ?

Vous avez désormais compris comment ce phénomène des coulées de boue fonctionne. C’était essentiel.

Mais pourquoi est-il si fréquent d’en avoir aujourd’hui ?

Facile, c’est la faute aux agriculteurs !!

Minute valet. Tu vas peut-être un peu vite en besogne. (Je commence à parler Wallon, c’est que tu commences à m’irriter un peu).

Le sujet est vaste mais je vais essayer de le résumer selon 2 grands pilliers :

  1. L’urbanisation croissante et la disparition des prairies qui en découlent.

Depuis la nuit des temps, le développement des nos activités en tant qu’humain est lié avec la présence de l’eau. Indispensable à la vie, l’eau est une source dont l’homme ne peut pas se passer.

Les zones en bord de cours d’eau sont souvent planes et très fertiles mais aussi ont permis au commerce de se développer, notamment grâce au transport maritime.

Cette urbanisation due à l’activité humaine a conduit à une artificialisation croissante des sols. Ces zones étaient par le passé des zones tampons en cas de fortes précipitations.

Aujourd’hui, elles sont bétonnées ! Non seulement le sol n’est en mesure d’absorber la pluie mais en plus, elle ruisselle d’autant plus vite chez le voisin. Effet boule de neige, bonjour !

On peut donc crier tant que l’on veut sur nos amis les agriculteurs … Notre mode de vie est tout autant un des acteurs majeurs de ces coulées de boue à répétition !

Outre cette bétonisation présente dans les zones naturelles tampons en cas de crue, les causes annexes liées à notre mode de vie sont nombreuses :

  • La brique dans le ventre des belges. Et oui, construire une 4 façade, c’est bien. Mais multiplier par le nombre d’habitants, cela fait beaucoup. Sans parler de l’impact des zones urbaines à fortes densités ou les nombreux zonings qui fleurissent un peu partout ;
  • Le tout à l’égout, l’entretien et le développement du système d’égouttage ;
  • Les modifications directes des cours d’eau par la mise en œuvre d’ouvrages spécifiques comme les digues, canalisations, ou encore barrages. Le simple fait de construire une berge empierrée va grandement accélerer le rythme d’un cours d’eau ;

Tous ces facteurs. La combinaison de ceux-ci. Voilà le coktail qui rentre en jeu à chaque orage, grosse précipitation sur votre environnement.

Pas de doutes : l’activité humaine et l’artificialisation des sols est un véritable problème qui est en constante augmentation !

  1. Les pratiques agricoles

—— Alors oui, l’agriculture a un rôle à jouer et mon objectif n’est pas du tout de leur tirer une balle dans le pied. Les agriculteurs font ce qu’ils peuvent et surtout, ils sont tributaires de ce que VOUS consommateurs achetez dans les grandes surfaces. ——

Ce n’est un secret pour personne. L’agriculture a complètement été modifiée après guerre. Au diable le travail paysan, bonjour le tracteur. Si cette évolution a permis de révolutionner le secteur, elle n’a pas eu que de bons côtés. C’est seulement maintenant après de nombreuses années de pratique que l’on s’en rend compte. Suite à ces micro-actions, l’érosion des sols a fortement augmenté au cours de la fin du XXe siècle (doublé entre 1971 et 1990 !! ).

À nouveau, cela se réparti selon moi en deux axes :

  • Remembrement et disparition du bocage : suppression des haies, talus et fossés, arbres en plein vents, … Tant d’alliés à une bonne rétention des eaux !
  • Déstructuration des sols suite aux tassements liés aux engins agricoles, mais aussi le travail du sol différent avec une diminution du taux de matière organique, une destruction de la structure du sol, l’abscence de couvertures herbeuses hivernales, …

Comme je le disais en introduction, les pratiques agricoles sont influencées par les avancées technologiques mais aussi et surtout par la demande du consommateur (et la pression des grandes surfaces pour produire moins cher).

De ce constat, les pratiques agricoles ont évolués vers des choix des cultures et des procédés dévaforables à l’écosystème. Ces pratiques influent dès lors sur les caractéristiques des sols, telles que la perméabilité, la capacité de rétention d’eau et le ruissellement.

Quelles solutions contre les coulées de boue ?

Du coup, on est foutu ?

Pas vraiment.

Déjà avoir pris consciencre du problème et lire cet article jusqu’ici, tu as déjà fait la moitié du chemin.

Que faire pour éviter les coulées de boue et inondations par ruissellement en tant que particulier ?

En tant que particulier, il y a déjà plusieurs pistes d’actions à entreprendre. Chacun doit faire sa part et c’est la combinaison de toutes ces actions qui auront un impact positif.

Même si vous habitez sur la colline et que ces inondations ne vous concernent pas, les ruissellements et les pluies proviennent en grosse partie des plateaux ! Nous avons tous un rôle à jouer !

L’axe le plus important est de rendre votre maison et les terrains dont vous êtes déjà propriétaires plus « nature-friendly » :

  • En plantant une haie variée de plantes indigènes, bien de chez nous ! Celle-ci permettra de capter et retenir de l’eau à votre échelle. Puis les oiseaux vous diront merci aussi. Croyez-moi, c’est un plaisir de pouvoir les observer depuis sa fenêtre !
  • En évitant les améngements empêchant l’infiltration de l’eau : béton, allée en klinkers, tarmac, ….
  • En plantant des arbres de position, des arbres têtards, des arbres fruitiers, …

Mais aussi :

  • En privilégiant la rénovation des bâtiments existants plutôt que de mettre en place des nouvelles constructions, et donc, réduire la bétonnisation à son échelle.
  • En privilégiant les circuits courts et fuir les grandes surfaces (lorsque c’est possible). Vos actes d’achat permettent à l’agriculteur de mettre en place des projets avec plus de sens, de meilleure qualité.
  • En sensibilisant petit à petit son entourage, son voisinage. Rome ne s’est pas faite en un jour

Que faire pour éviter les coulées de boue et inondations par ruissellement en tant qu’agriculteur ?

En tant qu’agriculteur, ton rôle est très important. Tu as à ta disposition de grandes étendues, bien plus grande qu’un particulier. Ton impact n’en sera donc que plus percutant.

Le premier axe de travail à envisager est le choix de pratiques agricoles en place sur ton exploitation. Je suis sûr que tu pourrais envisager un couvert permanent sur certaines cultures, le non labour sur une autre ?

De manière plus structurelle, envisager la plantation de haie a tout son sens. D’abord en périphérie de tes parcelles, pour commencer quelques parts. Par la suite, pourquoi pas l’envisager en intra-parcellaire ?

J’en conviens. C’est TOTALEMENT l’opposé de ce que l’on a fait le dernier siècle. Mais après tout, nos anciens ont bien travaillés comme cela pendant des décennies. Le bon sens paysan ? Je le pense.

Comme le montre la figure ci-dessous les bienfaits d’une haie agricole sont nombreux. Il est certes un peu simpliste mais il résume quand meme bien la situation.

Comment éviter les coulées de boue
Mais pas seulement, les haies sont ton allier :

  • Elles sont les gardiens des vents, tes cultures te diront merci !
  • Elles favorisent le bien-être animal, en pleine canicule.
  • Et elles sont un refuge pour la biodiversité, bonjour les auxilliaires de cultures et la faune sauvage.

Tu dois sûrement penser que tout cela va te coûter un bras et que personne ne sera là pour t’aider. Pourtant, grâce au régime de primes actuellement en place, planter une haie ne te reviendra pas si cher. Si le sujet t’intéresse, je t’ai expliqué en détails ce qui fait varier le prix d’une plantation de haie et quelles sont les primes auxquels tu as droit (et surtout comment être sûr d’en profiter).

L’avis d’un météorologue sur la question : Michaël Bleret d’Info Météo

Si vous ne le suivez pas encore sur les réseaux sociaux, je vous invite vivement à consulter son travail. Au quotidien, il vous distille des informations météo de qualité.

Dans le cadre de mon boulot d’arboriste fruitier, ces informations sont cruciales ! Gelée, pluie abondante, … J’écris d’ailleurs cet article au chaud suite à l’une de ses alertes « pluie/crue ».

Laissons place à l’artiste :

” Avant toute chose, il est important de comprendre que les inondations sont divisées en 4 grandes catégories : Les inondations fluviales (lorsque le niveau d’une rivière, d’un ruisseau ou d’un cours d’eau monte, permettant à l’eau de s’étaler sur les terres environnantes); les inondations pluviales (inondations dues à de fortes pluies, indépendantes du  débordement d’un plan d’eau); et les inondations par les eaux souterraines via notamment les remontées de nappes phréatiques. Enfin, les inondations côtières par submersions sont également souvent incluses comme quatrième type.

Si les précipitations sont intenses et perdurent durant de longues heures sur un vaste territoire comme lors du désastre de la mi-juillet 2021, ces inondations peuvent se combiner entre-elles pour provoquer des dégâts par ruissellements, par débordements de cours d’eau et par remontées de nappes phréatiques. D’autant plus si la situation initiale est déjà très humide.

Dans ces cas-là extrêmes, la culture du risque doit être améliorée en Belgique, car aucune région n’est réellement à l’abri et les conséquences peuvent être significatives sur une grande superficie.

En revanche, lors d’inondations par ruissellements après des orages forts et très locaux (à l’image de cette fin mai 2024), si nous ne pouvons bien entendu pas empêcher totalement l’inondation de se produire, l’aménagement du territoire peut réellement avoir un impact sur la vitesse et sur l’ampleur de l’écoulement ainsi que sur la concentration de boues dans les eaux de ruissellement. Il est également possible de réduire le nombre d’habitations impactées en évitant de construire dans zones potentiellement inondables.

En effet, cette problématique nous concerne tous, la totalité des 262 communes de la Région wallonne ont toutes connu au minimum un événement important d’inondation sur leur territoire depuis 1993, soit causé par un débordement de cours d’eau, soit par du ruissellement ou coulées de boues. Enfin, en lien avec le réchauffement climatique, certains experts estiment que les extrêmes pluviométriques pourraient connaitre une augmentation de 15% à l’horizon 2050.”

Sa conclusion ?

On ne peut totalement endiguer des inondations et certainement pas partout mais si nous pouvons en limiter leur impact tout en favorisant la biodiversité, nous en sortirons tous gagnants à long terme.

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